1. Au commencement il n’y avait que la terre et les cieux.
2. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme.
3. L’État dit : que la prison soit, et la prison fut.
Premier livre de la fin.
La prison semble exister de toute éternité. Or elle a une histoire, elle ne s’est pas érigée en outil d’une nouvelle façon de punir, synonyme de notre modernité, toute seule. Il a fallu la bâtir, pierre par pierre, sur une économie, un pouvoir politique, une philosophie de l’humain et de la Société. Alors depuis quand existe-elle ? Pourquoi l’a-t-on promeut ? Qu’elles sont ses évolutions depuis deux siècles ? Et surtout, qu’est ce que cela dit sur nous ?
A force d’humiliations, de brutalité, d’inactivité et d’inutilité, tu n’as plus de notion du bien, du mal, du jour ni de la nuit, tu n’as plus d’espoir . . . La prison t’a bouffé.
Gabriel Mouesca.
Comment vit-on la prison ? Peut-on vivre en prison ? L’enfermement n’est-il pas plutôt une multiplication de petits morceaux de morts lentes, toutes singulières, certaines spectaculaires, d’autres silencieuses ? Il faut donc fouiller pour retrouver chaque morceaux et recomposer la fresque des quotidiens carcéraux. Nous nous efforçons de la mettre en lumière par le son.
Quoi d’étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux, qui tous ressemblent aux prisons ?
Michel Foucault.
L’enfermement est le signe de notre modernité. Il se décline sous toutes les formes. Murs aseptisés des hôpitaux psychiatriques, murs colorés des écoles, murs grillagés des centres de rétentions administratives. Chacun retire à notre vu celles et ceux que l’on souhaite mater, déporter, discipliner, éduquer . . . L’enfermement c’est l’art de la disparition sous toutes ses formes. Des univers de rien. Ça n’est pas pour autant qu’il n’y a rien à en dire, bien au contraire.
Nous tisserons
Le linceul du vieux monde,
Car on entend déjà la révolte qui gronde.
Le Chant des Canuts.
La prison c’est aussi une histoire de luttes. De luttes de prisonnier·e·s qui contestent l’arbitraire pénitentiaire, leurs conditions de vies inhumaine ou la prison elle-même. Grèves, refus de remonter de promenade, incendies . . . c’est l’histoire de la prison qui devient un combat. Un combat pour celles et ceux à l’extérieur, familles ou militant·e·s de tous poils, qui souhaitent faire changer les choses . . . ou abattre les murs. Mais l’histoire de la lutte va de paire avec une histoire de la répression. Toujours plus raffinée et efficace, elle rend impérieux le renouvellement des formes de luttes anti-carcérales. Par ce que des deux cotés du mur, ce sont celles et ceux qui luttent qui vivent.
Dehors, l’ordre règne par le renoncement. Des milliers de petits renoncements à être vraiment libre.
Jean-Marc Rouillan.
Comment en finir avec l’enfermement ? Peut-on en finir ? Déjà, éviter l’écueil de construire nos luttes sur les seules conditions d’enfermement. A réformer le système on le rend plus fort. Mais sans oublier l’urgence de la solidarité. Aïe. Ensuite, ne pas rétrécir notre regard en fixant toujours le point le plus haut de l’enceinte, les sources de l’horreur carcérale ne sont pas enfermées entre ces murs. Mais sans tomber dans un flou stérile. Aïe. Enfin, faire du politique autrement, de proche en proche, pour créer du collectif où l’on s’organise pour résoudre autrement les conflits. Mais sans croire qu’on peut faire l’économie des révolutions personnelles et collectives nécessaire pour y parvenir. Aïe ?
La prison jette désormais une ombre menaçante sur notre société, à un degré inédit dans notre histoire ou celle de n’importe quelle démocratie industrielle. En l’absence de grands conflits armés, l’incarcération de masse constitue le programme social le plus assidûment appliqué par les gouvernements de notre époque.
Angela Davis.
Hafed Benotman nous a quittés en février 2015. Entre 1976 et 2007, il avait passé dix-sept ans en prison. Il était aussi un auteur talentueux de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de chansons qui ont toujours eu comme sujet l’opposition viscérale à toutes les formes d’enfermement. En 2001, il participe à la création de L’Envolée, un journal et une émission de radio, dont le but est aujourd’hui encore la critique et le combat contre la justice et la prison. Florilège de quelques-unes de ses interventions radiophoniques dans l’émission hebdomadaire de L’Envolée.