Un frisson dans la nuit : Ici n’est plus ici

vendredi 20 octobre 2023 par bidonfumant |

Je ne dis pas que ça va aller mieux. Juste qu’il va y avoir du changement. Parfois, c’est tout ce qu’il y a. Parce que ça veut dire qu’il se passe quelque chose, quelque part dans tout ça, toutes les rotations que le monde effectue, ça veut dire que la température n’a jamais été censée être toujours la même.

Les indiens urbains se sentent chez eux quand ils marchent à l’ombre d’un building. Nous sommes désormais plus habitués à la silhouette d’un gratte-ciel d’Oakland qu’à n’importe quelle chaîne de montagnes sacrées, aux sequoias des collines d’Oakland qu’à n’importe quelle forêt sauvage. Nous sommes plus habitués au bruit d’une voie express qu’à celui des rivières, au hurlement des trains dans le lointain qu’à celui des loups, nous sommes plus habitués à l’odeur de l’essence, de béton coulé de frais et de caoutchouc brûlé qu’à celle du cèdre, de la sauge, voire du frybread - ce pain frit qui n’a rien de traditionnel, comme les réserves n’ont rien de traditionnel, mais rien n’est original, tout vient d’une chose préexistante, qui elle-même fut précédée par le néant. Tout est nouveau et maudit. Nous voyageons en bus, en train et en voiture à travers, sur et sous des plaines de béton. Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part.

Ici n’est plus ici
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Gertrude Stein a écrit un jour, dur Oakland peut-être, il n’y a pas de là, là
En fait la citationen anglais, c’est When you get there there isn’t any there there, quand vous arrivez là, il n’y a pas de là, là. Certainement, faut-il entendre dans cette citation, que l’Oakland qu’elle a connu, dans lequel elle avait grandi, avait tellement changé, s’était tellement développé que le là de son enfance, ce là, ce là là avait disparu et qu’il n’y avait plus de là, là.
En gros ce qui m’arrive quand je prends l’avenue de Lyon à Toulouse. Ça n’a pas beaucoup d’importance parce que mon là qui n’est plus là n’empêche pas les autres de vivre là.
Mais ce n’est pas mon propos de regretter quoique ce soit, ce qui arrive là est aussi de ma responsabilité.
Marx, Karl, bien sûr, a suggéré quelque part qu’augmenter le niveau de vie aurait une influence néfaste sur la solidarité. Le capitalisme qui a bien entendu des ressources de tout ordre, s’est bien gardé d’exploiter à mort le prolétariat et a réussi à lui faire croire que la vie bourgeoise était à leur portée, non pas en rognant sur ses profits, mais en exploitant brutalement d’autres. Aujourd’hui, le rêve bourgeois reste un rêve à atteindre et même semble être le seul rêve, et la solidarité est passée à la trappe.




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