occuper la nuit du 20 au 26 novembre

dimanche 19 novembre 2023 par bidonfumant |

TOUS LES JOURS UNE HEURE À UNE HEURE.

Le Monde diplomatique
En direct des chaînes d’information en continu

« C’est un peu notre 11-Septembre, notre 13-Novembre à nous. (…) Il faut imaginer deux cents Salah Abdeslam, deux cents Mohamed Merah qui débarquent en France et qui commencent à attaquer les civils français. » Le 7 octobre, sur la chaîne BFM TV basculée en édition spéciale, en direct de Tel-Aviv, Julien Bahloul, « spécialiste de la société israélienne », raconte les bunkers, les disparus, la panique dans les rues. Ce Franco-Israélien très présent sur X (ex-Twitter) est en réalité un ancien journaliste de la chaîne i24News basée à Tel-Aviv, un temps communicant au sein de l’armée israélienne. Ses propos seront recueillis pas moins de cinq fois dans la journée par la chaîne d’information en continu.

Dans les premières heures qui ont suivi l’offensive lancée par le Hamas contre Israël, au petit matin du samedi 7 octobre, l’ensemble du monde médiatique français prend la mesure de l’événement et place le sujet en priorité absolue, jusqu’à saturer tous les espaces. BFM TV consacre plus de quarante-cinq heures au sujet dans les premières soixante-douze heures de la crise. Elle profite de sa commune appartenance au groupe Altice avec i24News pour inviter les éditorialistes de cette chaîne à commenter la situation en plateau, entre deux interventions d’officiels israéliens. C’est d’ailleurs d’i24News que partira la fausse information des « quarante bébés décapités » : mardi 10 octobre, sa correspondante en duplex depuis le kibboutz de Kfar Aza, où l’armée israélienne a convié les journalistes, rapporte qu’une « quarantaine de bébés ont été transportés sur des brancards ». Quelques heures plus tard, elle ajoute le détail macabre des têtes coupées. La nouvelle suscite une vague d’indignation de la part de responsables politiques, dont le président américain Joseph Biden. Le lendemain, un porte-parole du ministère des affaires étrangères israélien, interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), admet qu’il « n’est pas en mesure de confirmer le nombre de quarante bébés assassinés »30 ans de revue et corrigée, revue dédiée aux musiques nouvelles et improvisées...

LUNDI

30 ans de revue et corrigée

Parmi les angles qu’on retrouve en boucle ces jours-là : la surprise, la défaillance des services de sécurité israéliens, les otages civils. Alors que les marques de solidarité avec Israël s’enchaînent, une polémique enfle à propos des personnalités qui ne condamnent pas assez vivement l’attaque. Dans son émission « Le 20h de Ruquier », le mercredi 11 octobre, l’animateur dresse une liste de « ces stars que l’on entend moins » sur Israël. Avant de lire un texte accusateur publié par l’animateur Arthur sur son compte Instagram : « votre silence les tue une seconde fois ». La tension se cristallise notamment autour du terme « terrorisme ». Lors d’une conférence de presse, des journalistes prennent à partie Mme Mathilde Panot, cheffe du groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée : ils n’ont visiblement pas apprécié que le communiqué des Insoumis préfère l’expression « crimes de guerre », reconnue par les instances pénales internationales. « Vous avez un double langage ! », lui lance-t-on.
« Est-ce que vous dites “Je suis israélien” comme on disait “Je suis Charlie” ? »

MARDI

Hungerrrrr dong nov 15

Ailleurs pourtant, la nuance existe. Le chef du service international de la British Broadcasting Corporation (BBC) explique : « “Terrorisme” est un mot chargé, que les gens utilisent pour désigner un groupe qu’ils désapprouvent moralement. Ce n’est tout simplement pas le rôle de la BBC de dire aux gens qui soutenir et qui condamner — qui sont les bons et qui sont les méchants (1). » En France, les rédactions ont moins de pudeur à jouer les arbitres, n’hésitant pas à faire vibrer les émotions nationales. Dans « Télématin » (France 2), Thomas Sotto reçoit M. Manuel Bompard, coordinateur de LFI (9 octobre) : « Est-ce que vous dites ce matin “Je suis israélien” comme on disait “Je suis Charlie” ? » En bas de l’écran, le bandeau enfonce le clou : « Attaques terroristes : le “11-Septembre” israélien ? » Autre séquence, le 12 octobre, sur Public Sénat cette fois : le présentateur Thomas Hugues tente d’imposer le terme à son invitée — une universitaire de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Stéphanie Latte-Abdallah. « Vos propos me troublent », lâche-t-il, visiblement choqué par son obstination à différencier le Hamas de l’Organisation de l’État islamique (OEI). « Je ne suis pas dans la morale », tente l’historienne. « C’est bien ça le problème », réplique Éléonore Weil, journaliste au quotidien israélien Haaretz. Cette fixation sémantique peut paraître à première vue indécente compte tenu de l’ampleur des massacres de civils commis par les assaillants et du flot d’images particulièrement effrayant qui inonde les réseaux. Mais les journalistes ne sortent-ils pas de leur rôle en interdisant la nuance, eux qui d’ordinaire l’opposent comme une exigence absolue à tout discours radical ?

MERCREDI

Désobéissance civile birmane

JEUDI

How wolves became dogs Sukitoa O Namau, électroacosuticienne, performeuse marocaine.

C’est peut-être parce qu’ils savent ce que l’étiquette « terroriste » permet, non seulement sur le plan moral, politique, judiciaire, mais aussi comme instrument de recadrage. Interrompant un quotidien tranquille, l’« attaque des terroristes du Hamas » semble sans lien avec les soixante-quinze ans d’histoire du conflit israélo-palestinien, le blocus de Gaza depuis dix-sept ans, l’intensification de la colonisation.

VENDREDI

Èole tiré de la série jeu du monde de Lionel Marchetti

Comment expliquer une telle asymétrie de traitement entre Israéliens et Palestiniens ? Pour le chroniqueur Raphaël Enthoven, pas de doute : « Il y a une différence à faire entre des gens qui sont des civils, qui sont assassinés dans la rue par des commandos islamistes et les victimes collatérales de bombardements consécutifs à cette attaque. Il faut marquer cette différence, c’est même très important de la faire » (BFM TV, 10 octobre). Les médias la font depuis longtemps. La presse française soupçonne régulièrement d’antisémitisme les mouvements pour la Palestine et colle la même étiquette à toute critique de la politique israélienne, pourtant dominée par l’extrême droite. Malgré les condamnations répétées des associations humanitaires, Israël conserve aux yeux des rédactions son image de « seule démocratie de la région ». En somme, un voisin qui nous ressemble, pour lequel on pare la tour Eiffel des couleurs israéliennes un soir de deuil.

SAMEDI

Joli mai deuxième partie autour du film de Chris Marker et Pierre Lhomme

DIMANCHE

Janvier 22 nuit, dérive sonore pas obligatoirement cauchemardesque....

En fin de semaine, à l’heure de la riposte aérienne et du massacre des Palestiniens de Gaza, l’Organisation des Nations unies (ONU) parle de « catastrophe humanitaire » (13 octobre), mais l’événement ne justifie pas d’édition spéciale. Le conflit a repris une place plus raisonnable dans le fil de l’actualité, et BFM passe son week-end à jauger les manquements d’un autre appareil sécuritaire, celui de la France cette fois, au sujet de l’attentat d’Arras. Un terrorisme en chasse un autre.

Clara Menais
Journaliste.




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