Présentation de l’émission

dimanche 8 septembre 2013 par Canal Sud |

« Maghreb-Afrique Survivre au Sida », qu’est-ce que c’est ?

C’est un collectif et surtout une émission de radio (depuis 1997) qui s’adresse directement aux séropositifs les plus précaires, issus de l’immigration et/ou vivant en banlieue. Notre public, c’est un peu les oubliés de la maladie, loin du milieu parisien qui focalise l’attention des médias et qui mobilise l’essentiel des moyens de la lutte contre le sida. Notre ambition est de fournir à ce public la meilleure information possible sur le médical et sur le juridique. Chaque fois que nous répondons à un auditeur, on fait appel aux plus compétents : pour parler de la grossesse et du VIH, par exemple, c’est Laurent Mandelbrot. Pour la co-infection VIH/VHC, c’est Hervé Zylberberg. Jean-François Delfraissy, Christine Katlama, Bernard Hirschel sont parmi les figures de proues de la recherche VIH que nous avons reçu à l’émission. Pour le juridique, nous travaillons avec Patrick Mony, responsable du Guide de la protection sociale des étrangers en France, une référence en la matière. Toutes ces grosses pointures sont confrontées au propos, au vécu des personnes vivant avec le VIH qui prennent la parole au même titre que les médecins et les juristes, la discussion s’engage sans jargon et sans verbiage excessif car nos auditeurs sont exigeants ! D’ailleurs, les débats continuent de manière spontanée au café en face du studio de la radio, autour d’un plat... La qualité de l’information passe avant tout le reste, parce que ce dont ont besoin les séropos ce n’est pas du discours, c’est des réponses aux questions qui se posent dans leur vie quotidienne, pour survivre à la maladie, pour vivre et se soigner dans la dignité.

Ensuite, l’émission est aussi un relais de notre action revendicatrice. Chaque semaine, nous donnons des nouvelles à chaud du combat mené par les malades et leurs familles contre l’épidémie, face à l’inertie des institutions, face aux inégalités de traitements... Nous organisons des débats avec des médecins, des responsables d’associations et nos auditeurs. Ce faisant, nous mettons à nu les inégalités et les failles de la lutte contre le Sida. Nous sommes ouverts à toute prise de parole, à tous les coups de gueule, mais nous savons qu’il s’agit de redoubler d’acharnement pour construire, dans la durée, un mouvement capable de répondre aux besoins et aux revendications des séropositifs les plus pauvres, ici et dans nos pays d’origine ! L’essentiel est de faire le lien entre l’information médicale ou juridique avec le vécu, le quotidien des personnes séropositives, pour provoquer un déclic entre les uns et les autres. Lorsqu’une personne prend la parole, d’autres en se reconnaissent dans son histoire entrouvrent la possibilité d’une mobilisation collective autour des préoccupations communes des séropos de la banlieue, face aux inégalités qui pour une personne malade sont une question de vie ou de mort.
Pourquoi « Survivre au Sida » ?

Les autres associations ne prenaient pas compte des malades issus de l’immigration.

Si certaines l’ont fait. Mais aujourd’hui, le problème est que toutes les associations, qui se sont battues en première ligne contre l’épidémie et pour l’accès au traitement pendant les années 80 et début 90, sont en perte de vitesse ! Or premièrement la maladie n’est pas vaincue, l’épidémie n’est pas enrayée, et deuxièmement les communautés arabes et africaines, installées en France, qui paient un très lourd tribut au Sida depuis le début de la pandémie, ont été projetés en première ligne ! Ces dernières années, le gouffre des inégalités entre les malades, selon leur origine, s’est creusé de façon dramatique. Le rapport Delfraissy, de 1999, constatait déjà l’arrivée récente dans les services de patients immigrés vus pour la première fois souvent au stade Sida non traité ! Entre 1996, selon l’Institut de veille sanitaire, la proportion des malades étrangers parmi l’ensemble des cas de Sida a presque doublée, elle est passée de 14% à 27% en 2000 (BEH, 12 juin 2001).

L’enquête faite auprès des centres parisiens CDAG (Consultations de dépistage anonyme et gratuit) entre 1998 et 2000 confirme cette tendance...

Oui. Elle a été évoquée lors de la relance du plan VIH Sida 2002-2004 par Kouchner. Ce qui est scandaleux, c’est que dans son plan rien de concret n’est proposé. Il n’y a que des gadgets... De toute façon, depuis le début de notre combat, les institutions sont immobiles. À chaque fois, la réponse officielle est : pas de stigmatisation ! Résultat : c’est la démission des institutions. La santé publique est sourde, muette et aveugle ! Sourde car elle n’entend pas la voix des populations touchées par la maladie, muette parce qu’il a fallu attendre 1999 pour qu’un premier rapport sur le Sida chez les immigrés et leurs enfants existe, et aveugle parce que les institutions font un déni des chiffres obtenus !

Les malades se trouvent face à une double exclusion : celle due à leur origine et celle due à la maladie. Pour faire face, les réseaux d’entraide, la solidarité entre malades, entre familles, avec les rescapés de l’épidémie, avec les soignants, avec les personnes qui se sentent concernées... Notre idée est simple : il s’agit de l’égalité des droits face à la maladie. Et cette idée concerne aussi bien les immigrés que les Français, les malades que les bien portants !
Vous faites souvent intervenir des soignants dans votre émission, quel message souhaitez-vous faire passer aux infirmières ?

Le premier, c’est de nous faire connaître. Que les soignants fassent passer l’information, « le Comité des familles pour survivre au sida » existe.

Les programmes des émissions, et les émissions elles-mêmes, sont disponibles sur Internet www.survivreausida.net.

Notre public n’y a majoritairement aucun accès, donc nous dépendons des soignants et des autres intermédiaires (associations, syndicats, etc.) pour reprendre le programme de l’émission, l’imprimer, le photocopier, l’afficher, le diffuser auprès des concernés.

L’émission est un véritable crucible du débat sur la santé publique : en permanence on y discute des enjeux de la santé (par exemple, sur l’insécurité à l’hôpital, la drogue, la sexualité, etc.) toujours du point de vue des premiers concernés (les « usagers » comme nous appellent les soignants). Tous et toutes, Français ou Immigrés, soignants ou malades, y sont les bienvenus pour alimenter et faire vivre ce débat.

Le deuxième point important, c’est qu’il ne faut pas s’arrêter aux préjugés culturels . Toutes ces notions de déni de la maladie, de syndrome méditerranéen, etc... sont un frein. On utilise la culture pour ne pas parler des droits. Et ce sont souvent des réductions culturalistes grossières. Les gens ne sont pas bêtes. Ils savent ce qu’ils peuvent attendre d’un hôpital moderne. Et puis la culture, ça change, ça évolue. D’ailleurs notre travail démontre leur prise de responsabilités, leur quête d’information. Le problème, c’est le parcours du combattant à l’hôpital ! Souvent, pour le malade qui pousse les portes d’un établissement, entrer correspond à une loterie... Vais-je tomber sur la bonne personne ? Celle qui ne va pas s’arrêter à la question des papiers...

Le troisième message, c’est l’engagement politique, la démarche pour faire avancer la prise en charge. Lorsque je vois à l’hôpital de Gonnesse qu’un seul médecin s’occupe des consultations Sida alors qu’il a une file active de 350 patients, majoritairement d’origine africaine, cela me révolte car s’ils étaient blancs et français personne n’accepterait une telle situation ! Ce n’est pas possible d’accepter ça. Les soignants ne peuvent pas faire leur travail par manque de moyens humains et matériel. Pour faire changer cette situation, il est nécessaire qu’ils s’engagent dans le débat politique, qu’ils exigent avec nous la mise en place d’un véritable stratégie SIDA du prochain ministre de la santé qui ne se contente pas de gérer l’épidémie en France, et qui ne démissionne pas de ses responsabilités vis-à-vis de nos frères et nos soeurs malades dans nos pays d’origine.




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